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Harley Davidson au milieu des rizières dans le nord du Vietnam

  • Photo du rédacteur: La plume nomade
    La plume nomade
  • 22 mars 2020
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 30 déc. 2020

Depuis le début du voyage l’envie de parcourir le nord du Vietnam à moto me tourmente. Ma conscience joue aux montagnes russes, alternant sans cesse entre crainte et excitation. Je n’ai jamais conduit de tel engin et la mécanique s’apparente à un vide sidéral à mes yeux ce qui me rend un peu hésitant. Le défi et la découverte de l’inconnu prennent le dessus après la rencontre improvisée d’Eddy, routard français fraichement débarqué sur les terres vietnamiennes. Je lui élabore mon plan assez simpliste: trouver une moto, l’acheter puis rouler vers les montagnes du nord-ouest. Il est rapidement séduit malgré l’inexpérience de la conduite. Nous nous lançons donc chacun à la recherche d’un deux roues, accompagné d’un acolyte allemand métalleux rencontré à l’auberge qui semble amusé par notre histoire. Grâce à l’efficacité du bouche à oreille, nous nous retrouvons dans un garage bordélique d’Hanoï dont la localisation s’avère encore aujourd’hui être un mystère pour moi. L’endroit est un véritable cimetière à bécanes, des centaines de bolide à la fiabilité douteuse se tiennent devant nous. Le vendeur m’en donne une et me voici embarqué sur ma nouvelle monture. Suite à une heure de leçon de conduite dans une ruelle étroite, qui s’apparente plutôt à un rodéo motorisé assez dangereux, je commence finalement à contrôler la bête. Le marché est conclu et je deviens propriétaire d’une Honda Win 100cc pour 250 dollars, relique de routards rafistolée de fond en comble. Pour pouvoir circuler en toute légalité, on me fournit un permis vietnamien frauduleux sur lequel le nom de Tran Van Tam est inscrit (les permis étrangers ne sont pas acceptés). C’est évident qu’en cas de contrôle les policiers n’y verront que du feu!


Le lendemain matin, Eddy et moi décidons de partir très tôt pour éviter l’enfer du trafic d’Hanoï. Bien évidemment ma moto ne veut pas démarrer. Après résolution du problème, qui n’en n’était pas vraiment un puisque j’avais oublié d’activer l’arrivée d’essence, l’heure de pointe est déjà bien entamée. Nous vivons alors l’expérience de la conduite vietnamienne à son summum, slalomant entre les véhicules et les piétons, embrochant au passage un guidon de vélo. Quelques heures plus tard, la jauge adrénaline redescend alors que nous sommes éloignés de la ville, mais remonte rapidement quand la puissance de ma Honda dans une côte s’avère être similaire à celle d’un tricycle. Me retrouvant à l’arrêt, je dois retourner à Hanoï laissant mon compatriote continuer son chemin…Comme en Formule 1: passage aux stands, changement de moto et c’est reparti!


Pendant une douzaine de jours j’avale les kilomètres sur des routes plus ou moins défoncées. Ma colonne vertébrale se désaxe petit à petit au même rythme que mon garde-boue. Ma Honda me donne du fil à retordre si bien que je suis obligé de faire les journées portes ouvertes de plusieurs garages vietnamiens pour réparer les pièces endommagées. Les journées sont épuisantes après plusieurs heures de route à slalomer entre les camions, à éviter les nids de poule (ou parfois les poules elles-mêmes!) ou à changer d’itinéraire car les chemins indiqués sur la carte n’existent pas. Lorsque je croise des policiers, j’essaie de cacher mon visage pour ne pas me faire repérer. Officiellement selon la loi il est interdit de conduire pour un étranger au Vietnam mais officieusement ces protecteurs de la loi l’autorisent en échange de quelques billets. Je me fais tout de même intercepter une fois par un flic corrompu qui tente de faire chanter en me gardant dans son bureau de contrôle au bord de la route. Je reste de marbre face à ses menaces et je ne lui donne pas un dong, il peut aller bouffer son képi! Il finit par me relâcher au bout de 30 minutes, abdiquant face à mon entêtement. Heureusement, certaines situations sont plus agréables. Bel exemple que ce dîner farfelu dans un hangar avec des vietnamiens arrosé d’une vingtaine de shooters d’«happy water» (en réalité de l’alcool de riz) et d’un bang de tabac un peu louche! Malgré toutes ces anecdotes, une sorte de routine s’installe. Le soir, le visage peinturé de poussière je vais me coucher tôt dans l’hôtel du coin, où j’essaie d’atteindre le lit avec la souplesse d’un Playmobil. Et le matin, je me réveille de bonne heure à l’aide des doux sons de radio communiste s’élevant au-dessus de tout le village.


La liberté de déplacement que je possède me permet de traverser des villages isolés dans les montagnes et de me rendre jusqu’aux portes de la Chine. La pauvreté est apparente mais la misère ne s’y fait pas ressentir car le sourire est présent sur beaucoup de visages. Dès que je m’arrête un instant je peux voir rappliquer des dizaines de gamins émerveillés à la vue de cet étranger barbu qui ne leur ressemble pas. Les environs regorgent de superbes rizières en terrasse implantées sur le flanc des montagnes. C’est aussi l’occasion de rencontrer des minorités ethniques aux habits traditionnels comme les Hmongs et les Dzao rouges. Les jours de marché proposent un véritable défilé de tissus colorés et me donne l’occasion d’admirer des buffles d’eau pour lesquels j’aurais bien troqué ma moto, certes moins rapides mais qui ne risquent pas de tomber en panne!


Au fil des kilomètres le long de ma boucle dans le nord du pays, je me sens de plus en plus dans la peau d’un vrai motard sur sa Harley Davidson, à l’exception des tatouages et de la grosseur des biceps. Par excès de confiance, je me fais une grosse frayeur lors d’une chute en pleine montagne dans un virage mal négocié qui m’éjecte et propulse ma tête sur un rocher. Étourdi et sous le choc, je ne perds pas mon sang froid et je désinfecte mes plaies en caleçon au bord de la route, situation qui rend perplexe les quelques conducteurs qui passent. Tableau de bord explosé, guidon désaxé et porte bagage cassé, je continue malgré tout mon chemin les doigts en sang. Le moral tient bon, en grande partie grâce aux majestueux paysages montagneux que m’offre cette partie du pays. Lorsque je croise un peu plus loin un local et lui explique ce que je viens de vivre, ce dernier me montre sa main à trois doigts, les deux autres apparemment perdus dans un accident de scooter. Finalement, ça aurait pu être pire…J’atteins enfin la ville de Sapa où je me repose quelques jours en attendant que mes étourdissements disparaissent, potentiels syndromes d’une commotion. Cette courte pause m’est bénéfique, les apéros entre voyageurs français et le repas vin et fromages en bonne compagnie contribuent à mon net regain de forme.


Je rentre à Hanoï après un «road trip» de presque 1 500 km qui m’en fait voir de toutes les couleurs. Que ce soit au niveau des paysages, de la culture, des rencontres, et surtout sur le plan émotionnel où je me suis forgé un mental de guerrier. Une sacrée expérience que je ne suis pas prêt d’oublier!




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