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LA PLUME NOMADE

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Camping dans les steppes

  • Photo du rédacteur: La plume nomade
    La plume nomade
  • 24 oct. 2020
  • 10 min de lecture

Le jardin d’idées d’Internet


Une idée peut germer longtemps avant de se transformer en un réel projet. Pour décider de partir en Mongolie, ce ne fût pas mon cas. Mr Google n’eut simplement qu’à planter une graine dans mon subconscient, matérialisée sur le célèbre moteur de recherche par une photographie d’une tente Décathlon plantée dans l’herbe verdoyante des steppes mongoles. Une fois bien arrosée par mes envies de découvertes de grands espaces, cette idée d’expédition n’eut nul besoin d’engrais pour grandir encore plus rapidement que le haricot magique de Jack. En quelques clics, me voilà devenu un spécialiste virtuel des alentours d’Ulaanbaatar, un billet d’avion en poche et accompagné d’une voyageuse trouvée sur un forum de discussions. Un ou deux courts appels sur Skype pour m’assurer que la dénommée Alice existe vraiment et a le profil pour partir un mois dans un désert asiatique, et me voilà en partance pour l’inconnu. Oui l’inconnu, car là-bas Internet ne pourra plus rien pour moi. Et tant mieux car je n’ai plus besoin de ses services.

La gifle d’Ulaanbaatar

Un peu stressé mais confiant, surtout insouciant, je pose le pied dans la capitale mongole avec l’objectif d’organiser mon périple sur place par mes propres moyens. Deux trois lignes lues auparavant dans un guide de voyage me font croire que tout se passera bien. Mes illusions s’envolent rapidement. L’anglais ne se parle pas. L’écriture cyrillique est certes originale, je n’y comprends rien. Les gares routières sont introuvables. Les autobus bondés roulent à peine plus vite que des escargots vers des destinations mystérieuses. ‘‘Ce n’est pas l’occident mon petit gars, tu t’attendais à quoi ?’’. Merci pour ton soutien voie intérieure. Un peu découragé, ne sachant plus trop vers où aller, ma compagne Alice s’avère être une aventurière fort sympathique ce qui me remonte le moral.

Nous visitons la ville assez rapidement. Ulaanbaatar se développe à vitesse grand V mais de manière désordonnée. L’architecture communiste mélangée aux bâtiments modernes du centre ville entouré de ghettos de yourtes ne lui procure pas vraiment de charmes. Les inégalités sont omniprésentes. Les nouveaux riches paradent dans leurs voitures de luxe et s’amusent dans les bars branchés. À côté, les nombreux ruraux venus s’installer dans la cité pour fuir la vie difficile des campagnes mendient. L’atmosphère est lourde dans les rues, où des regards parfois hostiles se dressent sur notre passage.

Ayant trouvé refuge dans une auberge où se concentrent plusieurs touristes, la gérante nous rassure et nous propose de louer un minivan avec un chauffeur mongol pour parcourir le pays. Ce dernier porte le prénom de Neymar, ou plutôt un surnom. Car d’une, nous ne pourrions probablement pas prononcer son vrai nom, et de deux il n’a certainement pas le talent footballistique du joueur brésilien. Prêts à prendre la route, nous embarquons avec nous un troisième français dans l’expédition, Davy le parisien, sans vraiment le connaître.

Excitation en compagnie de Céline Dion


Moi, Alice, Davy et Neymar. Quatre personnes à bord d’un minivan russe. Gris, indestructible et respirant le communisme. Nous roulons vers des terres inconnues, les enceintes du camion crachant des airs folkloriques de populaires ténors mongols mais également les meilleurs titres de Céline Dion. Qui l’eut crû qu’à 7 000 kilomètres de l’hexagone, je puisse fredonner ‘’I’m alive’’ ? Cette chanson n’aurait pas pu mieux tomber car je me sens vivant en découvrant les étendues naturelles infinies dès la sortie de la capitale. Le contraste est saisissant, la densité de population flirte avec le néant. Une rotation sur 360 degrés me permet d’admirer de réels clichés de cartes postales des steppes mongoles. L’excitation est à son comble parmi les passagers, comme lors d’une sortie de classe de maternelles. Une chimie se créée alors rapidement dans le groupe malgré des traits de personnalité différents. Pour échanger avec Neymar, qui ne baragouine que quelques mots d’anglais, nous devons faire preuve d’ingéniosité. À base de mimes, de bruitages et de mots franco-anglo-mongoles, nous développons ensemble un système de communication universel. Bien évidemment, nous ne pouvons éviter quelques quiproquos linguistiques, venant dessiner d’heureux sourires sur nos visages et provoquer plusieurs fous rires incontrôlables. Neymar est en réalité bien plus que notre chauffeur. Boute-en-train et bon cuisinier, il est également très débrouillard. Capable de résoudre aisément toute sorte de situation qui nous parait insurmontable, je me demande s’il n’a pas des gènes de MacGyver. Rempli de gentillesse et de patience, ouvert à nos questions, il nous fait découvrir son pays de fort belle manière.

Beauté et solitude des grands espaces


Pendant une vingtaine de jours, nous parcourons 2500 kilomètres à travers les vastes terres de Gengis Khan, des vallées de l’Arkhangaï et de l’Orkhon jusqu’au désert de Gobi. La diversité des paysages où la nature est reine me surprend.

Les steppes verdoyantes font honneur à leur réputation. Ces grandes étendues vertes peuplées de quelques regroupements de yourtes blanches et de troupeaux sauvages sont un délice pour les yeux. Au détour d’une piste, une chute d’eau, des gorges, un volcan millénaire éteint, des décorations chamaniques ou un temple isolé peuvent apparaitre par surprise. C’est un autre monde que celui que je connais. Ici tout est lent, calme, vide, relaxant. Observer et être dans le moment présent devient mon activité favorite. Je ne peux détacher mon regard des rivières serpentant au milieu des vallées, longeant les épineux sapins et les arbres feuillus dévoilant leurs couleurs automnales. J’étudie les différents costumes du ciel, chaleureusement doré aux aurores, d’un bleu éclatant le jour et virant au rose orangé en fin d’après-midi, pour finir par se vêtir d’un tapis d’étoiles dans la nuit noire. Je passe plusieurs heures à regarder les mongols vêtus de leur tunique traditionnelle et de leur couvre-chef galoper avec aisance sur leurs petits chevaux. Je fixe la rosée givrée matinale déposée sur l’herbe disparaitre doucement avec le réchauffement timide des rayons du soleil. J’admire le sommet des collines enneigées se refléter sur la surface du lac Nuur Tsagaan au bleu profond. Je me questionne si les troupeaux de moutons, yacks, chevaux, chèvres et chameaux laissés en liberté pourraient s’échapper la nuit tombée. Je m’amuse avec les nuages en essayant de leur trouver des formes humaines. Je me recueille avec respect devant le monastère bouddhiste de Kharkhorin où virevoltent au vent les écritures sacrées inscrites sur des tissus multicolores.


Le changement est radical aux portes du désert de Gobi. Les vallées verdoyantes laissent place aux étendues sablonneuses plates et arides où quelques hautes herbes meublent le décor. Plusieurs merveilles naturelles s’y cachent à condition de braver le soleil éblouissant et les rafales de vent permanentes. Entre immenses falaises ocres, étroits canyons rocailleux, collines couleurs pastels et dunes de sable infinies rappelant le Sahara, la Mongolie révèle une autre des ses splendides facettes.


Envoûté par tant de beauté et d’immensité, je lâche agréablement prise et me laisse dériver calmement parmi ces espaces solitaires. Déconnecté et en paix, quelle merveilleuse sensation.


Acclimatation, exploration et interaction


S’acclimater au mode de vie nomade dans les steppes n’est pas chose aisée. Nous changeons de campement presque chaque jour, alternant les nuits sous la tente ou dans une yourte. Le climat est rude, et bien qu’étant encore septembre, les nuits sont fraiches et le thermomètre passe sous le zéro régulièrement. Je me félicite chaque soir d’avoir emmené dans mes bagages un duvet en plumes qui évite à mes orteils de se transformer en glaçons. Je suis fréquemment réveillé au beau milieu de la nuit. Soit par les grognements sourds des yacks rodant à quelques mètres de la toile, soit par les bruits de sabots des étalons sauvages qui se mettent à sprinter en groupe comme si une guêpe les avait piqués. Je m’interroge alors sur la précision de leur vision nocturne. Le matin en sortant de mon logis éphémère, je dois me frayer un chemin parmi les moutons qui ont décidé de brouter sur ma parcelle. Le lavage, ou plutôt le décrassage, se fait environ tous les quatre jours lorsque nous sommes à proximité d’un point d’eau. C’est un moment particulièrement délicat, l’eau glaciale de la rivière me faire perdre toute virilité. Je m’en sauve une seule fois grâce à des sources d’eau chaude dans lesquelles je décide de prendre un bain de trois heures! Autre point à mentionner, le transport est un sport. Mis à part les rares routes en asphalte, les chemins que nous empruntons sont des pistes en terre, en herbe ou en cailloux. Cramponnés à l’arrière du Spoutnik à quatre roues, mes comparses et moi serrons les fesses à chaque passage de crevasses ou traversées de rivière, espérant ne pas trop décoller du siège pour éviter de se fracasser la tête sur le toit.


Une fois sortis du véhicule, l’envie d’explorer les environs se fait sentir. Nous enchaînons plusieurs ascensions à pied qui nous valent un bon nettoyage des poumons. Nous bravons ainsi les pentes raides du volcan Khorgo, les dunes de Khongoryn Els et la montagne du monastère de Tovkhon Khiid. Venir en Mongolie sans monter un destrier relèverait du sacrilège. Nous partons donc trois jours en randonnée équestre vers la contrée des sept lacs accompagnés d’un nouveau guide moins souriant que Neymar. Fait à noter, les mongols sont petits et leurs chevaux le sont aussi. Sans être un géant, je suis plus grand que la plupart des locaux. Voyez-vous où je veux en venir? Et bien pendant 72 heures, mes jambes recroquevillées souffrent en raison des étriers réglés en fonction des courtes pattes de ma monture. Combiné au fait que je coordonne très mal mes mouvements avec ceux du cheval, ce qui réduit rapidement mon arrière-train en compote, cette petite aventure me laisse quelques séquelles. Mes espoirs de participation aux courses équestres des jeux du festival du Naadam s’effondrent. Peut-être qu’une place dans la discipline de lutte mongole me conviendrait mieux…


Nous avons la chance de pouvoir être hébergés plusieurs nuits chez l’habitant. Que ce soit dans une yourte traditionnelle isolée ou dans une maison d’un village reculé, nous partageons des moments d’interaction riches avec les locaux. Échanges limités mais forts plaisants grâce à notre traducteur Neymar, apprentissage de la traie des yacks, partie de fléchettes acharnée dans un salon familial, préparation d’un barbecue sur pierres brûlantes avec quatre kilos de viande, dégustations plus ou moins maitrisées du breuvage local la vodka. Ces hommes et femmes aux traits marqués par le froid, le vent et le soleil, dont les ressources sont restreintes, savent vivre dans la simplicité malgré les difficultés de leur mode de vie. Leur force, leur résilience et leur fierté ne peuvent qu’inciter au respect.


Frayeurs et cocasseries


Mes acolytes de voyage, Alice et Davy, sont tous les deux infirmiers. Leur formation professionnelle s’avère utile à plusieurs reprises. Tout d’abord, ils sont en charge de faire les injections de vitamine B de Neymar. Mais surtout, ils viennent en aide à notre guide remplaçant lors de notre sortie équestre. Ce dernier, victime d’un malaise qui a tous les symptômes d’une crise cardiaque, est pris en charge par notre équipe médicale de choc qui l’installe dans une yourte. Pas d’hôpitaux à des centaines de kilomètres à la ronde, le malheureux s’en sort après une journée de coma partiel.

Heureusement, les anecdotes du voyage ne sont pas toutes aussi sérieuses. Par exemple, notre soirée musicale en pleine steppe au milieu de nulle part est source de franches rigolades. Nos corps se voient envoûtés autour du feu de bois, se déhanchant sur la chorégraphie de Gangnam style, sous le regard probablement intrigué des troupeaux avoisinants. Un autre moment cocasse à souligner est lors d’une ballade à dos de chameaux dans le désert de Gobi. Mes jambes subissant un frottement régulier sur la peau du camélidé, je m’aperçois avec effroi au bout de quelques heures que je viens de subir une épilation intégrale des mes mollets. Définitivement plus économique qu’un traitement au laser, je n’en demeure pas moins perplexe. Finalement, Davy assure le spectacle avec les locaux. Il improvise une coupe de cheveux sur un homme avec sa tondeuse ramenée d’Europe et se laisse masser le coup par le fou du village.


Chocs culturels et culinaires


Les traditions et coutumes de ce pays d’Asie centrale sont bien différentes de celles des peuples occidentaux. Malgré un certain recul, le nomadisme reste bien ancré dans la culture mongole. Environ tous les quatre mois, les familles déménagent vers des pâturages plus verts pour le bien de leurs troupeaux. Heureusement pour eux, aucune transaction immobilière ni de services de notaire ne sont requis. Le chef de famille part en repérage durant quelques jours, choisi un espace qui lui convient, y dépose un petit tas de pierre pour le réserver et la transaction est faite! Pas mal plus simple que par chez nous…Par la suite, la yourte est démontée et le cortège composé de dix fois plus d’animaux que d’humains se déplace tranquillement vers leur nouveau domaine.

À travers ce périple, nous sommes invités à plusieurs reprises à partager un goûter ou un repas sous une yourte. J’y découvre les nombreuses règles à suivre pour bien se comporter face à nos hôtes. Pas besoin d’éviter de mâcher bruyamment ou de mettre les coudes sur la table. Par contre, un des interdits majeurs est de ne surtout pas passer entre les deux piliers centraux! Aussi, attention à ne pas étendre ses jambes en direction du feu, d’enjamber quelqu’un ou d’accepter un breuvage de la main gauche. À l’apéritif, ne buvez pas votre shooter de vodka avant d’avoir trempé votre doigt et fait plusieurs pichenettes au-dessus de la tête en offrande aux esprits. Une fois le rituel effectué, crions ensemble ‘’Toktoy’’ (‘’santé!’’) et la soirée (parfois la matinée) est lancée!

Parlons maintenant gastronomie. Un sujet sensible pour le végétarien qui voudrait visiter la Mongolie à moins d’être prêt à entamer une grève de la faim. Le climat étant difficile, les champs de légumes sont rares. Quelques tomates ou concombres chinois peuvent être achetés dans certains marchés à des prix gonflés. Peuple d’éleveurs, les mongols nomades vivent de leurs troupeaux. Ce sont donc la viande est les produits laitiers qui composent principalement mon alimentation durant trois semaines. Au menu, diverses parties plus ou moins connues de chèvres, moutons, yacks ou chevaux agrémentées de pâtes, riz ou patates. Comment ne pas oublier ces intrigants breuvages de lait de jument fermenté ou ces petites mises en bouche de fromage de yack durcies au soleil qui me font gentiment grimacer. Heureusement que la crème de lait de yack, si grasse qu’elle fond sous le palais, est là pour faire passer le tout! La cerise sur le gâteau reste toutefois l’épisode de la dissection d’une biquette. Après un dépeçage méticuleux du maitre des lieux qui ne détient probablement pas de diplôme de chirurgien, nous sommes invités à une dégustation d’abats sous la yourte. Bien que légèrement cuits, les intestins et les mystérieux bouts de gras ont vraiment du mal à passer…Ainsi, lorsque nous apercevons une épicerie parmi les rares villages que nous traversons, nous offrons une pause à nos papilles gustatives en achetant une des nombreuses barres de chocolat Snickers disponibles, toujours plus nombreuses que le nombre d’habitants.

L’épopée tire à sa fin, le retour à Ulaanbaatar est un peu brutal. Mon esprit rempli d’images de steppes a du mal à se fondre dans le moule urbain. Heureusement cet épisode transitoire est de courte durée, puisque je monte le jour suivant à bord du train trans-mongolien en direction des contrées chinoises. Mais ça c’est une autre histoire!




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