Enragé dans La Paz
- La plume nomade
- 14 mars 2020
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 avr. 2020
Déambulation dans El Alto
En cette douce journée d’octobre 2016, je déambule dans le quartier populaire d'El Alto situé dans les hauteurs de la capitale bolivienne, la Paz. Pas de métro, ni de tramway mais des téléphériques flambants neufs pour y accéder ! Il faut dire que ça monte raide, la ville étant construite dans une cuvette. Sensation étrange que d'embarquer dans ces cabines suspendues sans mes skis, ça m'étonnerait qu'ils servent du vin chaud au sommet... Le panoramique offert n'a toutefois rien à envier aux Rocheuses ou aux Alpes, les habitations se dévoilant à perte de vue avec en arrière plan les pics enneigés de la cordillère des Andes. Est-ce l'effet de l'altitude ou juste mon côté tête en l'air, mais je descends un arrêt trop...tôt! Je n'ai plus qu'a continuer à pieds, les routes sont si pentues que marcher à quatre pattes serait plus simple. Même les cyclistes dopés du tour de France serait forcés de descendre de leur bicyclette. Faisant honneur à mon signe astrologique de bélier, je n'abandonne pas pour autant et j'atteins mon but avec en prime un décrassage gratuit des poumons.
Un quartier qui a du mordant
Depuis le début de mon voyage en Bolivie, je croise une multitude de chiens errants au regard rempli de pitié qui me donne envie de les adopter. Dans El Alto, je me rends rapidement compte que ces derniers ne sont pas à classer dans la catégorie canins inoffensifs «viens-là que je te gratte». Je les évite, je rase les murs au besoin et leur laisse le contrôle de leur territoire.
Une fois reposé de mon ascension, je continue à errer dans les ruelles environnantes à la recherche d'un beau point de vue de la Paz. Le voilà le belvédère parfait, bien que situé dans un cul-de-sac avec des déchets parsemés. Le temps de prendre un ou deux clichés et deux petites boules de poils rappliquent en aboyant. Bon bon qu'est-ce qu'ils me veulent ceux-là ? Leurs cris aigus sont un tantinet énervants...et alertent un troisième chien. Un genre de boxer sud-américain avec des crocs visiblement bien aiguisés, sans aucun doute le leader de la bande. En quelques secondes me voila encerclé par les trois bêtes, qui se montrent de plus en plus agressives. D'accord les gars je m'en vais, on se calme! Je me retourne et c'est à ce moment précis que le chef de meute choisit de sauter pour me mordre la jambe. Ma cuisse se retrouvant alors sans garde devient la cible idéale pour la gueule de ce maudit cabot. Sur le moment, l'adrénaline est si forte que je ne ressens pas trop la morsure. Je me place en position self-défense pour éviter une nouvelle attaque, le sac-à-dos en première ligne et le pied droit en l'air prêt à dégommer le prochain museau trop aventureux. Situation cocasse je l'admets! Il faut croire que cette posture les impressionne car cela me permet de reculer doucement pour finalement être hors-de portée.
Compte à rebours
Toutes ces émotions retombées je file constater les dégâts dans des toilettes publiques. Plus de peur que de mal, la morsure est superficielle et peu profonde. Une fois rentré à mon auberge, une idée me traverse l'esprit. Chien + morsure + Bolivie = RAGE ? Léger moment de panique, je commence à écumer les sites internet sur le sujet pendant plusieurs heures qui ne me rassurent pas le moins du monde, le pays étant une zone à risque. Les recommandations sont claires, la vaccination est requise et à faire dans les 24 heures. Le compte à rebours est lancé. Je me débrouille pour trouver l'hôpital publique et m'insère dans la file d'attente, ou plutôt la boule d'attente, la devise premier arrivé premier servi n'étant apparemment pas connue ici. Je me fais rapidement des amis dans la foule, il faut dire que mon look de «gringo» (étranger) transparait : barbe, teint blanc et une tête de plus que tout le monde malgré mon modeste 1,78m. Les locaux ne semblent pas surpris de ma mésaventure avec les chiens, il semblerait que ce soit plutôt courant en fait. La petite fille à côté de moi s'est fait mordre par un chiot au visage, la madame qui me raconte qu'un chat lui a griffé tout l'avant-bras, le monsieur qui s'est fait chiquer le mollet...Serait-on à l'aube d'une rébellion des animaux domestiques, un genre de remake de la planète des singes ?!! Je rencontre enfin l'infirmière. Assez limité en espagnol j'utilise mes armes fatales pour me faire comprendre : la gestuelle et le mime. Elle me nettoie la plaie et me dit de revenir lundi pour voir le médecin afin de faire mon premier vaccin (nous sommes samedi). Heu... c'est que le délai maximal requis pour l'injection sera clairement dépassé d'ici là (24h). Disons que l'idée de me transformer en monstre baveux délirant ne me réjouis pas (bon j'avoue ces symptômes ressemblent plutôt à ceux de la vache folle, mais sur le moment je paranoïe). Je dois trouver une solution.
Piqûre salvatrice
Je passe la fin de la journée à l'auberge à rechercher sur internet un endroit pour me faire vacciner. J'y apprends par la même occasion qu'un seul vaccin contre la rage est reconnue par l'Organisation Mondiale de la Santé, le Sanofi Pasteur (vaccin français), qui doit être administré selon un protocole stricte et qui n'est pas disponible partout. Dans les hôpitaux publics du pays, malheureusement par manque d'argent il s'agit souvent de vaccins locaux, dont l'efficacité n'a pu être démontrée. Oups...comme si j'avais besoin de ça! Je note l'adresse d'une clinique privée avant de me coucher et décide d'y aller à l'aube. Nuit difficile où mes rêves m'amènent dans une course-poursuite avec des chihuahuas enragés. Le lendemain matin j'arrive à 7 heures tapantes à la clinique Allemana, moderne mais qui te le fait payer le prix. Le personnel est sérieux et par chance le vaccin reconnu est disponible! Une petite piqûre et me voilà soulagé. Par contre je dois faire encore 4 injections à des intervalles irréguliers, deux en Bolivie et deux après mon retour. Après avoir établi un planning rigoureux, pris des photos des emballages de vaccins, obtenus toutes les ordonnances possibles et contacté ma copine pour me prendre des rendez-vous avec le médecin au Québec je peux enfin souffler et profiter de mes derniers jours en Bolivie, loin, très loin des chiens.
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