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LA PLUME NOMADE

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Dérapages en territoires hostiles

  • Photo du rédacteur: La plume nomade
    La plume nomade
  • 3 janv. 2021
  • 7 min de lecture

En 2008, le mois de décembre marque la fin de ma session universitaire québécoise à Montréal. Désireux de parcourir les terres du Nouveau Monde, j’organise un road trip de plusieurs semaines avec un compère étudiant. Depuis les Rocheuses enneigées de l’ouest canadien jusqu’aux territoires Navajos d’Arizona, nous vivons le rêve américain sur la route. Mais aussi quelques imprévus qui auraient pu tourner au cauchemar.

À vive allure en Colombie-Britannique


Après avoir traversés pendant une semaine les montagnes Rocheuses depuis Calgary à bord d’une Pontiac Vibe, Pierre-Yves et moi-même arrivons dans la réputée ville de Whistler qui accueille l’une des plus grosses stations de ski de la côte ouest canadienne. À ce stade, nous sommes acclimatés aux conditions hivernales difficiles de la région. Que ce soit lors d’une nuit passée dans la voiture à -20 degrés à devoir activer le chauffage à chaque heure pour ne pas finir congelés. Ou encore sur cette route des glaciers isolée du monde menant à Jasper, où les ténèbres nocturnes faillirent nous faire visiter le fossé suite au dérapage sur un banc de neige.


En ce 30 décembre 2008, nous décidons donc de sortir faire la fête avec la jet-set de Whistler. Probablement excités par le fait de rencontrer de jeunes canadiennes anglophones amoureuses de l’accent français, Pierre-Yves au volant roule légèrement au-dessus de la limite de vitesse. Le reste n’est qu’un souvenir sous forme d’images saccadées. La radio allumée. La chaussée enneigée. Une courbe prononcée. Et bonjour le fossé! Apparemment le système anti-dérapage n’a pas fonctionné…La Pontiac Vibe, orientée à quarante-cinq degrés et à moitié recouverte de poudre blanche, ne peut plus bouger. Et nous deux, comme des champions, ne trouvons pas mieux à faire que de rigoler de cet accident inopiné! Le fou rire passé, nous essayons tant bien que mal de sortir le bolide du piège enneigé. Jetant rapidement l’éponge nous contactons le service de dépanneuse qui est tellement occupé que personne ne viendra nous secourir avant quatre heures…L’ambiance de rigolade retombe radicalement. D’autant plus que nous sommes situés au bord d’une route de campagne peu achalandée. Nous attendons donc dans le froid l’arrivée de notre sauveur, mais nos extrémités commencent à geler. Heureusement, de bons samaritains québécois en visite dans le secteur s’arrêtent en nous voyant mal en point et nous offrent cinq minutes de bonheur dans leur voiture chauffée! Requinqués, nous résistons jusqu’à l’arrivée de la dépanneuse vers minuit. Soirée ratée mais soulagés, nous repartons nous coucher bien au chaud! Heureusement le lendemain à Vancouver, la chance a tourné et nous passons le nouvel an en compagnie de deux blondes sulfureuses qui nous font oublier nos déboires passés.

Halte californienne

Nous continuons notre périple et traversons la côte ouest américaine entre Seattle et San Francisco à bord d’un autobus Greyhound. Une vingtaine d’heures pendant lesquelles mon corps a le temps se mouler dans un siège inconfortable dont la densité bactérienne doit exploser les seuils préconisés par l’Organisation mondiale de la santé. Quelques jours dans la splendide baie californienne sont les bienvenus. Visite de la célèbre et glauque prison d’Alcatraz et de l’imposant pont du Golden Gate, arpentage des rues pentues de la ville à bord de ces typiques tramways les « cable cars », tentative de manoeuvre sur la route la plus tortueuse du monde la « Lombard Street ». Par la suite, nous rejoignons Los Angeles en empruntant la route 1 qui longe la côte pacifique, qui mis à part la face déformée des nombreux éléphants de mer, regorge de beautés naturelles. Un rapide passage par les célèbres plages de Malibu et Venice sans croiser Pamela Anderson ni Mitch Buchannon, un petit détour par le quartier huppé de Beverly Hills où nous apercevons plus de jardiniers mexicains que de vedettes, puis une marche étoilée sur le miteux et dangereux Hollywood boulevard et nous quittons la Californie vers les terres désertiques du Nevada et de l’Arizona.

Ensablés au Nevada

Sortis indemnes des étendues arides de la Death Valley, nous continuons notre route en direction de Las Vegas. La route est monotone, linéaire et désertique. Quelques hôtels miteux peuplent ce paysage de Far West américain, digne d’un film de Quentin Tarantino. Sièges légèrement inclinés, lunettes de soleil sur le nez et un air de musique country en fond sonore, nous ne faisons qu’un avec le décor. Cette douce quiétude s’évapore lorsque mon compère de voyage me pointe du doigt une lointaine dune de sable aux allures de mirage parmi l’étendue platonique environnante. L’animosité grimpe en flèche dans l’habitacle du véhicule de location. Tels deux jeunes mâles prépubères excités par la vue de cette mono poitrine ensablée, nous nous détournons brusquement de notre itinéraire, avec comme nouvel objectif de l’escalader. Pendant plusieurs kilomètres nous roulons sur des pistes et empruntons quelques embranchements douteux. Aveuglés par l’atteinte du mont magique, nous ne voyons pas le piège se refermer lentement sur nous…

Suite à une manoeuvre irréfléchie de ma part, la Nissan Altima, une berline urbaine au profil abaissé se retrouve embourbée sur un terrain sablonneux. Les roues patinent dans le vide et la carcasse de métal est complètement figée. Bon, restons calmes. Je me remémore les résumés des étapes de la course automobile du Paris-Dakar dans lesquels les pilotes professionnels réussissent à se dépêtrer de ce genre de situation. Pour deux étudiants dénués de talents mécaniques, la tache s’annonce plus corsée. Nous sommes déjà au beau milieu de l’après-midi, une course contre la montre est enclenché alors que la lueur du soleil baisse rapidement en cette période de l’année. Nous mettons toutes nos forces dans la bataille, creusant à mains nues dans le sable, poussant le véhicule tant bien que mal et enchainant les tentatives de démarrage. Nous allons même jusqu'à fabriquer deux petites rampes de lancement constituées de branches de buissons issues de la rare végétation environnante. Après trois heures de lutte acharnée, les avants-bras éraflés, la voiture n’a bougé que d’une vingtaine de mètres. Honorable mais pas suffisant. Des bruits de moteurs se font entendre au loin, probablement des motocross. Nous crions et montons sur le toit de la Nissan en agitant les bras pour les interpeller. Ils n’entendent rien et le son de l’espoir s’évanouit dans le crépuscule. Nous sommes pris au piège dans le désert sans aucun signe de vie humaine à plusieurs kilomètres à la ronde. L’échec est frustrant et la nuit vient de tomber. Que fait-on maintenant ?

Attiser le vent de panique ne sert à rien, mais il faut se rendre à l’évidence, on est vraiment dans de sales draps. Les nuits dans le désert américain ne sont pas bucoliques. Au mois de janvier les températures avoisinent le zéro. Les quelques hurlements de coyotes qui se font entendre viennent briser le lourd silence ambiant. Le clair de lune donne vie à d’étranges ombres dansant sur le sable. Un tableau frissonnant qui convient parfaitement à une attaque de zombies! Déterminés à ne pas rester ici, nous avalons chacun une cuillerée de Nutella pour nous donner du courage (et aussi car c’est notre seule denrée restante!). Lampe frontale fixée sur la tête, le GPS du smartphone activé, nous entamons une expédition nocturne à la recherche d’aide. Nous marchons près d’une heure et demie avant que nos chaussures foulent une bande d’asphalte. Une route, l’espoir renait! Hélas, celle-ci s’avère peu fréquentée et les rares conducteurs qui s’arrêtent à la vue de nos pouces levés ne sont guère amicaux. Peut-être que notre accent français ne les inspire pas ?


Une lueur dans la nuit. Les phares éblouissants d’un pick-up. Le miracle arrive enfin après de longues minutes d’attente. À l’intérieur du bolide, deux américains nous abordent. Avec leur style de chasseur, comme en témoigne leur treillis militaire et leur casquette, ces rednecks à l’accent campagnard à couper au couteau sont toutefois des âmes charitables.

Frank et Marc acceptent de nous secourir et nous font monter à l'arrière de leur bolide. Et là surprise, un petit cheval est allongé sur la banquette. Après quelques secondes d’observation, je remarque qu’il s’agit en réalité d’un chien géant, un Dogue allemand il me semble. L’animal domestique s’avère inoffensif malgré son impressionnante carrure, et décide de poser confortablement ses babines baveuses sur mes genoux. Je le laisse faire, je ne voudrais pas le froisser! Avec nos nouveaux amis, nous roulons pendant une quinzaine de kilomètres sur les chemins officiels. Grâce à la localisation enregistrée de notre voiture sur le téléphone, nous la retrouvons avec les clignotants de détresse oranges qui fonctionnent toujours. Cette fois, je dois l’admettre, il s’agit d’une brillante idée de mon acolyte Pierre-Yves pour la repérer plus facilement au loin.


Il faut maintenant sortir le bolide ensablé. Les deux cow-boys sont bien équipés, ils sortent l'artillerie lourde pour y arriver. Câble d’acier déroulé, fixé et bien tendu, le vrombissement du pick-up se fait entendre pour tirer la Nissan. Et le drame survient. Le câble cède et se casse. Retour à la case départ, je ne peux pas y croire. C’est sous-estimer nos deux sauveurs qui ont plus d’un tour dans leur sac, plus précisément un deuxième câble dans ce cas. La tension est à son maximum lors du deuxième essai, et je ne parle pas que du câble! Vers 22h30, notre voiture est finalement déplacée hors des terres hostiles. Victoire! Nous remercions d’innombrables fois Frank et Marc sans qui nous aurions passé une bien mauvaise nuit.

De retour sur le droit chemin, nous ne le quittons plus pour le reste du périple. Entre l’immensité du Grand Canyon et les formations rocheuses de la Monument Valley, nous apprécions les paysages du Grand Ouest. Petite escale dans la cité du vice, Las Vegas, où les grands joueurs que nous sommes dépensons la fortune de cinq dollars aux machines à sous.

Notre aventure touche à sa fin. À plusieurs reprises elle a dérapé, mais a pu à chaque fois être rattrapée, et dans ma tête elle restera marquée.


PS: malheureusement, la montée d'adrénaline subie lors de l'épisode dans le désert au Nevada nous a fait oublier de prendre quelques clichés




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